Du Japon au Larzac
Récemment, une copine m'a demandé ce qui m'avait donné envie de faire du tissage, et sur le coup, j'avais été incapable de répondre. Ca m'est revenu deux jours plus tard: c'est en regardant une vidéo de Rita Buchanan, In praise of simple cloth. On y voit une couverture SU-BLIME en laine filée main et tissée, feutrée, douillette et aux couleurs profondes.
C'était fait, ma curiosité était piquée, et je crois avoir commandé un métier 2 à 3 semaines plus tard.
Cette réflexion m'a redonné envie de tisser une grande couverture. Et pour contraster avec la rigueur mathématique des torchons de la semaine dernière, j'ai voulu essayer de toucher du doigt la technique du tissage Saori.
D'après ce que j'ai compris, c'est une manière de mélanger tissage et philosophie zen, en laissant l'inspiration du moment s'exprimer, en utilisant toutes sortes de matières et de textures, en n'ayant pas peur de laisser des imperfections dans son tissu.
J'ai fait le tour de mes boites de laines, j'ai collecté tous mes restes dans les tons naturels, gris et beige, et j'ai commencé à monter une chaine ambitieuse, car prévue pour un tissage en double largeur.
A un moment, ça ressemblait à ça.
Et ça a été le début de la galère. J'ai utilisé des laines d'élasticités très différentes, je me suis retrouvée à devoir gérer des problèmes de tension insolubles, à mon niveau.
Quand j'ai pu enfin commencer à tisser, les laines poilues se sont accrochées entre elles à chaque passage du peigne. Après avoir laborieusement réussi à faire 8 à 12 passages de navette, j'ai ouvert mon tissage, et j'ai réalisé que ce n'était PAS DU TOUT tissé en double largeur.
A un moment, il faut arrêter de s'entêter ! Les problèmes techniques avaient clairement pris le dessus sur le plaisir du tissage.
Donc j'ai démonté ma chaîne, supprimé les fils problématiques, remonté une chaine simple. Et je me suis dit qu'une couverture formée de deux panneaux cousus, c'était bien aussi...
Et là le plaisir est revenu.
Avec en plus un sentiment de grande liberté. Tous ces bouts de chaine mis au rebut sont parfaits pour les nombreux changements de matière que j'avais en tête. Il me suffit de piocher dans le tas, en cherchant à créer des contrastes de matières.
Certains fils sont passés à la main, sans utilisation de navette, ce qui donne la sensation unique de faire corps avec son tissage. Et j'essaie des trucs...
Tout ça pour constater une chose: quand j'ai commencé à tisser, je me suis dit que je voulais absolument éviter l'effet "tissage pur jus Larzac 1972". Là, je suis en plein dedans, et j'y prends un plaisir pas possible !
En parallèle, je compte bien mettre à profit le grand pont du 8 mai pour concrétiser ma petite charkha.
Ca vaut la peine de rôder dans les rayons de fournitures de beaux-arts, ce chevalet de voyage est pile ce qu'il me fallait.