La route à l'envers
La plupart des fileurs et fileuses s'initient au fuseau, le matériel nécessaire pour se lancer est léger, peu encombrant, et on peut même le bricoler à partir d'objets de récupération.
J'ai juste parcouru le chemin à l'envers: voilà 3 ans et demi que je file au rouet, et je découvre depuis dimanche le plaisir contemplatif qui accompagne l'utilisation de ce petit objet tout simple. L'impression de revenir aux sources, de rejoindre les générations d'humains qui ont patiemment réalisé la matière première de leurs vêtements.
Au début, j'avais pensé ajouter un crochet au bout de la tige, comme dans les fuseaux du commerce. Mais à l'usage, je me rends compte que je n'ai pas envie de buter sur la moindre aspérité, le contact du bois est si agréable que je refuse de tomber sur du métal agressif quand j'enroule le mètre de laine que je viens de filer. Et maintenant que j'ai trouvé le bon geste pour nouer la laine en haut du fuseau, j'ai gagné en rapidité.
Pour l'instant, seulement de toutes petites quantités de fibres, piochées parmi les mises au rebut ( teinture ratée, fibres qui gratouillent ou toison à bouloches).
Mais déjà, je vois que ma laine filée au fuseau ne ressemble pas à celle que je file au rouet. La laine semble plus gonflante, avec cette touche d'irrégularité qui lui donne un aspect duveteux.
Un peu moins tordue, elle a l'air... plus cool...
Là, c'est la laine teinte au rumex cet été, et laissée trop longtemps au soleil. La couleur est gris sale, mais la fibre est restée lustrée, c'est un curieux mélange de terne et brillant.
Je ne vais pas jeter le rouet aux orties, c'est trop génial, comme appareil. Mais pour de petites quantité ou des fibres d'exception, le fuseau va vite me sembler indispensable.
Et sinon, je comprends comment ma copine Corinne a réussi à tricoter son Damson en quelques jours: c'est addictif, ce truc. Me voilà pratiquement arrivée à la fin.